Après avoir audité un certain nombre de risques de blanchiment des capitaux et de financement (BC/FT) du terrorisme en Afrique Centrale, le GABAC a identifié certains risques récurrents liés aux faits criminels sus cités, dont la corruption.
En effet, l’audit a relevé que les Etats de l’Afrique Centrale semblent marqués par une forte persistance de la corruption dans de nombreux secteurs de l’activité sociale, économique financière et politique. Pourtant, il est indéniable qu’un environnement favorable au blanchiment d’argent favorise la corruption. De même, la corruption est génératrice du blanchiment d’argent. Ces deux maux déstabilisent l’économie des pays vulnérables. De plus, ils compromettent l’intégrité des institutions et des systèmes financiers légitimes et procurent au crime organisé les fonds nécessaires pour entreprendre d’autres activités criminelles. Ce qui semble constituer une entorse au principe « le crime ne paie pas ». Ce constat pourrait être illustré par les nombreux procès dans les Etats de la sous-région et portant sur des affaires de détournement de fonds impliquant des personnes politiquement exposées du secteur public et privé avec des répercussions sur la stabilité politique, économique, sociale et culturelle des pays en question, et le bien-être des populations. Ce sont ces mêmes fléaux qui expliquent les médiocres indice de perception de la corruption attribués aux Etats de la sous-région.
Faisant suite à ce constat, le Groupe d’Action contre le Blanchiment d’argent en Afrique Centrale (GABAC) a organisé, du 27 au 3 juillet 2021 à l’Hôtel Oubangui, à Bangui en République Centrafricaine, le « séminaire de sensibilisation sur les risques de blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme inhérents à la corruption en Afrique Centrale » qui a marqué le lancement de l’étude de typologies éponyme.
Cette activité a connu la participation des responsables du Secrétariat Permanent du GABAC ; des institutions étatiques à l’instar des institutions nationales en charge de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, et des parlementaires ; des administrations étatiques (justice, police judiciaire, les services en charge des finances les eaux et forêts, mines…) ; des professions libérales (avocats, notaires, huissiers de justice, etc.) ; du secteur privé, en l’occurrence les établissements de crédit et de la microfinance et de la société civile.
Il convient de souligner que l’étude de typologies sur les risques de BC/FT liés à la corruption en Afrique Centrale a pour but principal de cerner le phénomène de la corruption dans ses causes, ses manifestations, ses conséquences, les modes de sa réalisation, son impact sur le dispositif LBC/FT des Etats, de scruter les mesures prises par ces derniers pour lutter contre le phénomène, d’étudier les limites ou les failles de ces mesures et de proposer les moyens ou mesures d’amélioration du dispositif et d’éradication ou du moins d’atténuation du phénomène de la corruption dans la juridiction du GABAC.
Les travaux du séminaire ont été marqués par trois (3) temps forts : la cérémonie d’ouverture, les communications des Experts et la restitution des travaux en atelier.
A cet effet, plusieurs communications ont été délivrées sur des thèmes se rapportant à la corruption. Il s’agit entre autres des thèmes sur :
- La corruption dans les pays membres de la juridiction du GABAC ;
- Le cadre normatif universel et communautaire de lutte contre la corruption ;
- La Déclaration d’Arusha révisée de l’OMD comme outil de promotion de l’éthique et de la lutte contre la corruption en Douanes ;
- L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) comme instrument de lutte contre la corruption ;
- La criminalité environnementale et corruption ;
- Les acteurs non étatiques dans la lutte contre la corruption (le secteur privé et la Société civile) ;
- Les mécanismes et circuits de recyclage des fonds illicites ;
- Les liens entre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la corruption ;
- Les typologies de blanchiment des fonds issus de la corruption ;
- Le regard de la société civile sur la problématique de la corruption.
A la suite des communications, deux groupes de travail ont été mis en place composés pour le premier, des agents de la chaîne pénale, et pour le second des agents des autres secteurs et qui ont chacun travaillé à identifier les vulnérabilités sectorielles à la corruption et proposer les mesures d’atténuation ou recommandations en rapport direct avec les vulnérabilités identifiées.
Au terme des échanges ayant suivi la restitution des rapports des différents groupes de travail, quelques recommandations ont été adressées aussi bien aux Gouvernements qu’aux Institutions communautaires : il s’agit entre autres :
Pour les gouvernements :
- De vulgariser tous les instruments juridiques tant nationaux qu’internationaux et sensibiliser les populations sur les risques de corruption et de blanchiment des capitaux et ses conséquences ;
- De prendre en compte dans les textes nationaux, tous les aspects des dispositions internationales de poursuites obligatoires des infractions de corruption et assimilées ;
- D’encourager les Etats de la juridiction du GABAC, ne l’ayant pas encore fait, à ratifier les conventions de l’Union Africaine de 2003 et celle de l’OCDE relative à la corruption des agents publics étrangers ;
Pour les institutions :
- D’assurer la fonctionnalité du Réseau des Institutions Nationales Anti-corruption d’Afrique Centrale ;
- D’accélérer la mise en place des mécanismes de recouvrement à l’extérieur des avoirs illicites issus de la corruption et des infractions assimilées ;
- De former le personnel des institutions nationales de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.